Jacques Chirac a annoncé vendredi à la télévision la promulgation de la loi instaurant le très controversé CPE, une décision rejetée par les syndicats et l'opposition et par des milliers d'opposants qui ont manifesté leur colère dans la nuit de vendredi à samedi.
Dans une déclaration solennelle aux Français, le chef de l'Etat a annoncé qu'il avait "décidé de promulguer cette loi" parce que le Conseil constitutionnel l'a jugée "en tous points conforme aux principes et aux valeurs de la République", et parce que "le contrat première embauche peut être un instrument efficace pour l'emploi".
Son entourage a précisé que la loi devait être publiée au Journal Officiel samedi ou dimanche.
Assurant après deux mois manifestations avoir "entendu les inquiétudes qui s'expriment chez de nombreux jeunes et chez leurs parents", M. Chirac a demandé "au gouvernement de préparer immédiatement deux modifications de la loi".
"La période de deux ans sera réduite à un an. En cas de rupture du contrat, le droit du jeune salarié à en connaître les raisons sera inscrit dans la nouvelle loi", a-t-il énoncé, tout en apportant son soutien au Premier ministre Dominique de Villepin qui doit réunir samedi à Matignon Nicolas Sarkozy, les présidents de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré et du Sénat Christian Poncelet.
Les organisations syndicales et l'opposition ont reproché au chef de l'Etat de n'avoir pas demandé au Parlement une nouvelle délibération du texte et, sur le fond, ont jugé insuffisantes les modifications de la loi annoncées.
FO a jugée la décision "incompréhensible et pas acceptable", la CGT parle "d'amplifier la mobilisation", estimant que le président "prend la responsabilité de prolonger la crise".
Le dirigeant du Parti socialiste François Hollande a jugé qu'"on ne va pas vers l'apaisement". Quant à François Bayrou, président de l'UDF, il a ironisé, relevant que "c'est la première fois dans l'histoire, à ma connaissance, qu'on promulgue une loi en demandant qu'elle ne soit pas appliquée".
L'intervention présidentielle, suivie par des milliers d'opposants qui s'étaient rassemblées sur les places des grandes villes (Strasbourg, Lille, Nantes, Grenoble, Nancy, Bordeaux ou Rennes), a été sifflée et suivie de manifestations sauvages dont les slogans, comme "Chirac en prison, Villepin démission", ou "Chirac, on t'emmerde, c'est la rue qui gouverne", visaient avant tout le chef de l'Etat et son Premier ministre.
A Paris, des milliers de manifestants ont défilé entre Bastille, Opéra, Concorde et l'Assemblée nationale avant de se diriger vers la Sorbonne dans le quartier latin. Les actions se sont déroulées dans l'ensemble dans le calme. Une poignée de manifestants a cependant cassé une vitrine, une guérite en verre devant le Sénat et lançaient des projectiles sur les forces de l'ordre vers 00h30 samedi devant les grilles qui interdisent l'entrée de la Sorbonne.
A Nantes, environ 400 jeunes défilaient dans les rues dénonçant "une provocation". Une minorité a jeté des canettes et brisé des vitrines.
A Poitiers, environ 150 étudiants selon les manifestants, entre 50 et 100 selon la police, ont envahi le rectorat après avoir lancé des poubelles contre la façade de la permanence UMP, et envahi le conseil municipal (PS) de la ville.
Au Mans, environ 500 jeunes se sont rassemblés devant la préfecture, où ils ont entassé des barrières métalliques et des pavés face aux CRS.
Très énervés, les manifestants criaient "qui sème la misère récolte la colère".